L'hymne des défaites de la Nation post-révolutionnaire !

 

La Marseillaise a été l’hymne des victoires françaises pendant la Révolution. Les soldats en étaient galvanisés. Mais à partir des conquêtes esclavagistes ou impériales de Napoléon, l’hymne a visiblement perdu son âme, ses « pouvoirs », son esprit de victoire.
En contradiction avec lui-même, il est alors devenu l’hymne d’une suite quasi continue de défaites.


" Envoyez-moi mille hommes ou une édition de la Marseillaise", demandait un général sous la Révolution.
" J'ai gagné une bataille, la Marseillaise commandait avec moi" s'enthousiasmait un autre.
" La Marseillaise a donné 100 000 défenseurs à la Patrie " affirmait Carnot, "l’organisateur de la victoire ".

 

Avons-nous entendu parler depuis d'un tel enthousiasme, et d'un tel impact de l'hymne sur nos victoires ?

 

Le tournant symbolique se situe en 1803, à la bataille de Vertières à St Domingue, où la Marseillaise fut chantée, fait unique dans l'Histoire, par les deux troupes face à face : d'un coté celles de Napoléon, qui venait de rétablir l’esclavage, et de l'autre, par inversion mimétique, celle des anciens esclaves d’Haïti. Luttant contre les troupes françaises esclavagistes qui employaient l'hymne à contresens, la troupe « indigène » - imprégnée de la fougue de notre hymne symbole de lutte contre la tyrannie - infligea sa première défaite d’envergure aux armées napoléoniennes.

 

A partir de là, Napoléon, se méfiant désormais de cet hymne révolutionnaire, érige le Chant du Départ en hymne national en 1804. Il semble que la Marseillaise n’ait plus été entonnée jusqu’à 1812, où dans le froid glacial de la Bérézina, Napoléon tenta lui-même de le faire chanter à ses troupes pour leur donner du courage. Mais celles-ci, ironiques, lui répondirent par un chant d'ancien régime, qui magnifiait la mort à la guerre du duc britannique de Marlborough : « Malbrough s'en va-t-en guerre, Mironton, mironton, mirontaine ! Ne sait quand reviendra ( ter) »

 

La vieille garde, qui ne se rendit pas, l’entonna sur la plaine de Waterloo en 1815, et on n’entendit plus l’hymne interdit que lors des journées révolutionnaires de 1830 et 1848, qui réussirent à changer le régime en place.

 

 

En 1870, provoqué par la dépêche d’Ems de Bismarck, Napoléon III, furieux, tomba dans le piège prussien, déclara la guerre et autorisa la Marseillaise pour galvaniser ses troupes.
Après la défaite de Sedan, et comme de nombreuses personnes de gauche qui lui préférèrent l’Internationale, Louise Michel la rejeta : « L'Empire l'a profanée, nous autres révoltés, nous ne la disons plus »

 

 

En 1914, les troupes françaises, imprégnées de la doctrine de l’offensive à outrance, chargèrent héroïquement au son de la Marseillaise. Mais elles furent décimées sur la plupart des fronts par les mitrailleuses ennemies, alignant les pires bilans de l'Histoire de nos armées, avec jusqu’à 27.000 morts le 22 août 1914 !

 

En 1915, lors du transfert des cendres de Rouget de Lisle à coté de Napoléon, Poincaré définit l’hymne comme le « cri de vengeance et d'indignation d'un peuple », « dont tous les fils préfèrent délibérément la mort à la servitude... ». Mais en 1917, des milliers de soldats préférèrent se révolter. L’ensemble de la troupe arrêta de chanter la Marseillaise, comme un triple symbole, celui de l'embrigadement d'un peuple, celui de l'engrenage obstiné dans une guerre sans raison, et celui du massacre de millions d'hommes utilisés comme chair à canon au bon plaisir de certains généraux.

Sans son hymne, la France retrouva la victoire en 1918. Les députés, à l’inverse de nos soldats, la chantèrent lors de l’armistice.

 

En 1936, la Marseillaise refit l'unanimité du pays, à gauche comme à droite. S'ensuivit hélas la défaite-éclair de 1940.

 

Certes, on peut et on doit admirer le courage des résistants fusillés par les Allemands ou des prisonniers des camps de concentration, qui entonnèrent ce chant, de résistance mais non plus de victoire. Interdite à la population par les Allemands, l'hymne fut néanmoins chanté, souvent sans le premier couplet, par le régime de Vichy. Entre ces deux parties de la France qui chantaient la Marseillaise, les troupes soutenues par les Alliés l'emportèrent, mais notre hymne n'eut à l'évidence que très peu d'influence sur la victoire finale.

 

Suivirent les défaites, militaire ou politico-militaire, de l'Indochine en 1954 et de l'Algérie en 1962, soit, depuis que l'hymne a perdu son esprit révolutionnaire il y a plus de deux siècles, un bilan militaire bien peu glorieux : aucune réelle victoire avec la Marseillaise, contre huit défaites, les trois premières et les deux dernières hors du territoire national, où les envahisseurs, "féroces soldats" apportant la tyrannie, marchaient donc sous l’étendard bleu-blanc-rouge, en contradiction complète avec l’esprit du texte.

 

Si nous voulons éviter une neuvième défaite à nos armées, n'est-il pas temps, comme le dit l’historien Hervé Drévillon, de "transformer la Marseillaise pour la rendre plus fidèle à elle-même et à son statut idéalisé de chant de liberté"?

 

 

Cela permettrait de respecter enfin le 15ème couplet de notre hymne national, 15ème couplet dont l’auteur est curieusement inconnu de toutes nos archives, et que le Ministère de la Guerre a supprimé en 1887 dans une France alors obnubilée par sa revanche militaire :

 

 

 « Soyons unis ! Tout est possible ;

 

Nos vils ennemis tomberont,

 

Alors les Français cesseront

 

De chanter ce refrain terrible. »