Des hymnes étrangers qui évoluent

 

La plupart des pays issus d'une décolonisation sans guerre ont un hymne national porteurs de valeurs pacifiques (Inde, Pakistan, Cameroun, Côte d'Ivoire, Congo, Sénégal...).

 

Les pays plus anciens ou issus d'une guerre ont souvent hérité d'un hymne guerrier (USA, France, Vietnam, Algérie...)

 

De nombreux pays ont modifié les paroles de leur hymne national, par exemple :

 

  • en Belgique où les paroles du français Jenneval, jugées trop agressives envers les Pays-Bas, furent réécrites par le premier Ministre Charles Rogier en 1860, celles-ci n'étant officialisées comme seules paroles officielles qu'en 1921.

  • en Allemagne, le Deutschland über alles, über alles in der Welt était un appel aux souverains allemands à mettre de côté leurs querelles et à concentrer leurs efforts pour créer une Allemagne unie, avec parfois aussi une connotation révolutionnaire et libérale (« über alles » signifiant « par-dessus tout » dans le sens de priorité et non de supériorité, ce qui serait « über allem »). Cette expression fut réinterprétée par les nazis comme « L'Allemagne doit dominer le monde », avec une idée d'annexion, omniprésente dans la Seconde Guerre mondiale. En 1952, consciente du fait que l'interprétation première - même si elle est dictée par la grammaire - ne pouvait faire oublier l'interprétation ultérieure, la République Fédérale Allemande admit que ce couplet ne pouvait plus être chanté, et décida de ne conserver comme hymne national que le 3ème couplet, beaucoup plus pacifique. Celui-ci a été adopté après la réunification allemande en 1991 comme hymne national de toute l'Allemagne.

  • en Égypte en 1979, la modification de la mélodie de la Marseillaise donne l'idée de changer d'hymne national, qui devient « Biladi, Biladi, Biladi » (« Ma patrie, ma patrie, ma patrie »)

  • en Afrique du Sud, depuis 1997, l'hymne national est la combinaison de l'ancien hymne national adopté en 1927, Die Stem van Suid Afrika (l'appel de l'Afrique du Sud) avec le populaire chant africain adopté par les mouvements anti-apartheid, Nkosi Sikelel' iAfrika (Dieu sauve l'Afrique)
  • en Russie, où Sergeï Mikhalkov, a écrit le texte en 1944, l'a révisé en 1977 pour y éliminer la référence à la grande guerre et donc à Staline, et enfin l'a réécrit en 2000 en tant qu'hymne de la Fédération de Russie, toujours sur la même musique.
  • au Rwanda en 2002, l'hymne « Rwanda Nziza » (« Belle Rwanda »), choisi par concours, a remplacé « Rwanda rwacu » (« Notre Rwanda ») dans le cadre de l'effort de réconciliation, et pour signaler une rupture avec le passé violent du pays.

  • en Suisse, dont l'hymne est toujours un cantique religieux, un concours lancé en 2014 a désigné un nouveau texte, mais celui-ci doit convaincre la majorité du pays pour être adopté, ce qui n'est pas encore le cas.

  • au Canada, en 2018, l'hymne « Ô Canada » devient inclusif, remplaçant « all thy sons » par « all of us »

 

Des débats sont en cours dans d'autres pays, par exemple en Australie

 

La France serait-elle l'un des seuls pays au monde incapable d'évoluer sur ce plan ?

 

La Marseillaise a pourtant connu plusieurs modifications. Aux six couplets écrits par Rouget de Lisle ont été ajoutés l'actuel couplet des enfants, écrit par Louis du Bois ou par l'Abbé Pessoneaux, et huit autres couplets d'origine inconnue. Le 8ème couplet, jugé déiste, fut enlevé dès 1792 par le ministre de la Guerre.

Après son adoption comme hymne national en 1879, le ministère de la Guerre a remanié le texte et la mélodie en 1887, conservé les six couplets de Rouget de Lisle et écarté les autres, à l'exception du 7ème. Beaucoup plus pacifistes, et parfois déistes, ces couplets 8 à 15  vantaient l'Égalité, le patriotisme et l'universalisme.

Très curieusement, nul n'en connaît le ou les auteurs - y compris la bibliothèque Nationale qui a été consultée à ce sujet - alors que pour le seul couplet 7, il y a au moins deux revendications. Or un couplet invite,  quand viendrait la paix, à cesser « de chanter ce refrain terrible », ce qui ne pouvait que relancer les débats - importants à la fin du XIX° siècle - sur un changement des paroles. On doit donc émettre l'hypothèse que ce ou ces noms ont été volontairement "effacés", parce que l'un d'eux n'était pas un inconnu et avait une notoriété certaine. On en vient à supposer que l'auteur de tout ou partie de ces huit couplets pourrait donc être Rouget de Lisle lui-même, ce qui d'une part correspondrait à son caractère fondamentalement pacifique et à sa volonté d'écrire un hymne national pour chaque nouveau régime, et ce qui d'autre part donnerait à l'hymne actuel un caractère irrespectueux du droit de l'auteur et fondamentalement incomplet...

Malgré leurs qualités, avouons néanmoins que ces couplets sont très datés et que si l'un d'eux devait être rajouté aujourd'hui à la version officielle, comme l'a proposé Christine Boutin, il ne provoquerait ni l'unanimité ni l'enthousiasme du peuple français.